Mustapha Ben Abdallah. Antiquaire, fondateur d'un musée privé : Touggourt mérite plus qu'un musée

Mustapha Ben Abdallah. Antiquaire, fondateur d'un musée privé : Touggourt mérite plus qu'un musée

Amoureux du patrimoine, collectionneur, antiquaire, Mustapha Ben Abdallah se définit comme un être curieux qui vit pleinement sa passion pour les objets anciens, les timbres, les cartes postales, les livres, les manuscrits, les bijoux...

Sa maison est un musée qui reçoit des visiteurs des quatre coins du pays, il est sans cesse sollicité pour fournir des photos ou de la documentation en relation avec l’histoire de Touggourt et du Sahara en général. Mustapha rêve d’un vrai musée pour y transférer les trésors de sa terrasse dans un cadre scientifique où tout visiteur de Touggourt, tous les gens curieux d’en savoir davantage sur l’histoire et les curiosités de la capitale des Beni Djellab puissent trouver des informations. Pour le moment, Mustapha Ben Abdallah est la personne incontournable quand on vient à la découverte de Touggourt. Forgeron d’art, rien dans sa physionomie ou son profil ne laisse supposer que le personnage est en fait un passionné qui brave les distances, les difficultés et la modestie de ses moyens pour acquérir chaque jour une nouveauté, une vieillerie. Il a bien voulu nous recevoir et nous parler de sa passion.

- Mustapha, vous êtes le musée ambulant de Touggourt, dit-on…
«Musée», «antiqua», «patrimoine», tout ce qui est en relation avec l’histoire de Touggourt, du Sahara et de l’Afrique du Nord en général m’intéresse. Les gens me désignent ainsi et ça me fait plaisir que, la quarantaine passée, mon amour pour le patrimoine soit au cœur de ma vie. Vous savez, j’ai eu beaucoup de chance, car j’ai commencé à l’adolescence par la philatélie, j’adorais les timbres, leur signification, leur histoire et, petit à petit, je me suis découvert d’autres amours, les pièces de monnaie, les cuivres et les tableaux, la vaisselle, les instruments de musique, les postes radio… voyez par vous-même : je collectionne un peu de tout.

- Comment arrivez-vous à gérer tous ces objets ?
A ma majorité, mon père a mis à ma disposition un garage où je disposais pêle-mêle mes acquisitions. Mes parents voyaient du bon œil mon intérêt pour le patrimoine, ils n’ont jamais dénigré ou critiqué ma passion et même quand ça débordait, quand le salon se remplissait de pièces archéologiques ou de vieux meubles, quand des invités de dernière minute étaient annoncés, quand des visiteurs s’attardaient, ma famille assurait.Maintenant, je suis fort du soutien indéfectible de ma femme et mes enfants mais je ne veux pas en abuser ; j’ai aménagé cette aile sur la terrasse où j’ai pu entasser puis trier mes objets par spécialité et je m’y retrouve pour le moment car, dans peu de temps, l’espace deviendra insuffisant et je devrai trouver une solution.

- Quels sont les objets qui vous tiennent le plus à coeur ?
Je ne saurais vous dire. J’achète avec amour et je choisis méticuleusement ce que j’achète afin d’enrichir ma collection, d’une part, et pouvoir gérer mon budget aussi car le marché des vieux objets est très cher et ma bourse ne me permet pas d’aller au-delà d’un certain seuil, d’autre part. J’ai aussi étoffé mon portefeuille de connaissances avec d’autres collectionneurs et les objets en double sont plus ou moins facilement échangés. Ma passion touche parfois des âmes sensibles qui me font don d’objets, de photocopies de livres, de tirages de photos. Si le patrimoine est un véritable trésor pour le connaisseur, le contact humain, la passion commune me font découvrir chaque jour que les gens sont tous sensibles au patrimoine.
Les uns font le pas, d’autres se contentent d’admirer les autres. Je lis tout cela dans les pensées des autres, des visiteurs qui viennent et reviennent, des gens qui adorent les expositions.

- Quelle lecture faites-vous de Touggourt à travers votre musée ?
Je suis à l’image de ma ville et des ses habitants, des passions individuelles qui s’expriment dans des circuits parallèles et qui ne trouvent pas l’ambiance propice pour construire quelque chose à Touggourt. Pour ma part, je rêve de créer un vrai musée que les gens, surtout la jeune génération, viendraient visiter pour découvrir combien il est bon de savoir que le passé est important pour construire l’avenir.Des industriels de Touggourt m’ont promis de l’aide, certains ont sollicité le wali pour mettre un local adéquat à ma disposition.
J’attends avec impatience qu’on entende ma voix, un musée à Touggourt serait l’accomplissement de ma vie car il est inacceptable que Touggourt ne compte qu’un musée thématique, celui de la révolution, laquelle n’est qu’une partie de notre histoire. Touggourt est un musée à ciel ouvert, elle mérite plus qu’un musée.

Du : 04-01-2011
Auteur : Houria Alioua
Source : El Watan (elwatan.com)