Quand philatélie rime avec amour de la patrie

Quand philatélie rime avec amour de la patrie

Le Salon national de la philatélie, qui se tient régulièrement à Constantine, a cette particularité de faire vibrer la fibre patriotique chez le visiteur attentif. La version 2008 de cette manifestation n’a pas, en tout cas, dérogé à cette règle. L’on peut également, dans ce même contexte, être surpris par l’intensité de ce 'chauvinisme' si singulier que peut provoquer un simple timbre-poste chez les philatélistes-collectionneurs dont la joie communicative face à un timbre à consistance symbolique réelle du pays fait plaisir à voir. L’on pourrait être, à contrario, autant surpris devant leur courroux, tout aussi communicatif, lorsqu’ils évoquent les 'carences' qui, de leur point de vue, empêchent le timbre algérien d’être là où ils aimeraient le voir, c’est-à-dire au top niveau.

C'est qu'en plus d’être un rendez-vous d’échanges et de communication, ce Salon dédié au timbre est aussi devenu une tribune pour les philatélistes fortement convaincus que le timbre est, avant tout, un attribut de la souveraineté nationale et qu’en tant que tel, il doit faire l’objet de toutes les attentions et ne pas se passer de l’apport des potentialités nationales qui peuvent être mises à contribution pour l’enrichir.

L’un des exposants les plus en vue de ce salon, Mohamed Achour Ahmed-Ali de Souk-Ahras, tout en exprimant sa satisfaction de voir Algérie Poste retenir certaines propositions de son club, en consacrant à l’occasion de Youm El Ilm, un timbre à l’effigie de Kateb Yacine et un autre à celle de Malek Bennabi, n’a pas manqué d’émettre des réserves, voire des critiques, sur le contenu et la qualité du dessin du timbre algérien de ces dernières années.

Pour ce philatéliste averti, également éditeur de 'Philnews', la première et unique revue de philatélie publiée dans le Maghreb et le monde arabe jusqu’à présent, le dessin du timbre algérien est en passe de s’appauvrir à force d’être confié aux 'mêmes professionnels dont le nombre ne dépasse pas trois artistes', à l'en croire.

M. Ahmed-Ali soutient aussi que le service des timbres d’Algérie Poste semble décider des programmes de l’année à la dernière minute et dans la précipitation 'sans se donner la peine de publier le programme annuel du timbre et de le soumettre à un concours national ouvert à l’ensemble des artistes et dessinateurs comme le stipule la législation en vigueur'. Amer, il relève que dans d’autres pays, le programme des timbres de 2009 est 'déjà publié' donnant ainsi aux artistes et aux dessinateurs tout le temps de préparer leurs propositions et de fignoler leurs sujets.

'Ambassadeur' cherche talent et imagination
Le fait que les dessinateurs et artistes algériens ne soient pas sollicités pour mettre leur talent et leur imagination au service de cet ambassadeur du pays qu’est le timbre a fait, relève également cet éditeur, que bon nombre de ces timbres versent dans 'l’échappatoire de l’allégorie' même lorsque le sujet nécessite, par exemple, un portrait comme le cas du timbre à l’effigie de Lalla Fatma N’soumeur. Ce timbre 'ne montre pas le beau visage de cette grande dame de l’histoire de l’Algérie' mais un 'dessin allégorique auquel on a du mal à trouver un sens', tient à signaler ce passionné dont l’avis est partagé par bon nombre d’autres exposants.

Même son de cloche chez le président de l’association des philatélistes d’Alger, Hamid Ifticène, qui, à 70 ans, n’a rien perdu de sa verve de collectionneur et de militant fougueux, et qui considère que les philatélistes doivent avoir un droit de regard sur le programme annuel du timbre d’Algérie Poste. Ce Moudjahid qui a connu la torture dans les geôles de l’ancienne puissance coloniale ne comprend pas que des timbres ne soient pas frappés à l’effigie des figures emblématiques de la glorieuse Révolution de Novembre.
'Nous sommes heureux que notre proposition de consacrer un timbre aux membres du ‘comité des six’ ait été retenue et concrétisée, mais on ne comprend toujours pas que Zabana, Hassiba Ben Bouali, Ali La Pointe, Petit Omar et bien d’autres personnalités marquantes de l’histoire contemporaine du pays, ne soient pas ‘timbréfiés’ et qu’à la place on retrouve imprimées sur nos timbres toutes sortes de plantes et d’animaux', martèle t-il.

L’argument selon lequel on a évité de consacrer des timbres à ces héros pour ne pas être injuste envers le million et demi de Chouhada qui méritent tous de figurer sur des timbres 'ne tient pas la route' aux yeux de ce philatéliste, qui s'explique: 'Si on suit cette logique, il ne faut pas baptiser une ville au nom de Ben M’hidi ni une université au nom de Ferhat Abbas de peur d’être injuste envers tous les autres chouhada et personnalités marquantes du pays'.

En tout état de cause, tout le mérite du salon national de la philatélie de Constantine est d’avoir permis aux 'timbristes' de s’exprimer sur ces questions et sur bien d’autres encore, même si les doléances entendues lors de l’édition de l’année dernière et de l’année d’avant, sont revenues comme des leitmotiv durant cette 4e édition. 'Et nous en reparlerons encore et encore, car nous ne désespérons pas d’être enfin entendus', jure Hamid Ifticène.

Passionnés, patriotes, amoureux du beau et du bien fait, mais aussi pugnaces, les philatélistes !

Du : 27-04-2008
Source : APS (aps.dz)