Timbres caduques et rendez-vous manqués

Timbres caduques et rendez-vous manqués

Les administrations postales qui choisissent de procéder à l’émission d’un ou de plusieurs timbres pour célébrer une manifestation courent le risque de voir le sujet de cette émission rendu caduque par l’annulation de la manifestation en question.

C’est ce qui vient d’arriver récemment à la Poste algérienne qui a fait sortir le même jour, soit le 18 mai 2007, deux émissions dédiées à deux événements sportifs majeurs devant se dérouler à Alger.

La première intitulée « IXe Jeux africains d’Alger » (FIG. 1) se présente sous la forme d’un timbre arborant le logo de cette compétition reconnue officiellement par le Comité international olympique (CIO) en tant que jeux régionaux pour le continent africain. Ces jeux se sont bien tenus du 11 au 23 juillet 2007. Ils ont réuni près de huit mille athlètes et accompagnateurs, des centaines de médias et des centaines de milliers de spectateurs en cumulés. Le timbre est sauvé !

La deuxième émission (FIG. 2) était consacrée à la IIe édition des Jeux afroasiatiques qui devaient prendre le relais des Jeux africains du 28 juillet au 6 août. La complication réside dans le fait que ces joutes intercontinentales dont la première édition s’était déroulée à Hyderabad (Inde) en 2003, ont été tout simplement annulées au motif que le nombre des pays asiatiques ayant confirmé leur participation a été jugé insuffisant par le comité organisateur.

Du coup, le timbre émis par Algérie Poste pour immortaliser cet événement, l’aura été pour rien !

Mais, me direz-vous, quel est le tort d’Algérie Poste ? Aucun, bien sûr, mais avec moins de précipitation et un peu plus de discernement, le catalogue Algérie ne se serait pas encombré de cette émission inutile.

Consolons-nous, la chronique philatélique mondiale regorge de dizaines d’exemples de ce genre.

Le timbre émis en 2001 (FIG. 3) par la Côte d’Ivoire pour annoncer la XXIIIe édition du Congrès de l’Union postale universelle qui devait se tenir à Abidjan en 2004 est resté sans objet puisque ce rendez-vous africain tant attendu a été annulé en 2003. Les autorités ivoiriennes avaient renoncé à organiser cette première en Afrique subsaharienne compte tenu des violences qui avaient secoué le pays cette année-là.

Un autre rendez-vous manqué est celui du XVIe Sommet ordinaire de la Ligue des États arabes que devait accueillir la capitale tunisienne les 29 et 30 mars 2004. Il a été reporté sine die en raison des « profondes divergences » sur les projets de réformes politiques dans le monde arabe à soumettre au Sommet. Le timbre émis par la poste tunisienne le 29 mars 2004 accompagné d’une enveloppe Premier Jour pour commémorer cet important événement a été rapidement retiré de la vente (FIG. 4 et 5).

À la faveur d’un consensus arabe laborieusement atteint, le Sommet s’est tenu à Tunis les 22 et 23 mai 2004. L’administration postale tunisienne a procédé à l’impression d’un nouveau timbre portant le même visuel et la nouvelle date.

L’étonnant dans cette histoire est qu’il existe entre les deux « malheureuses » figurines postales ivoirienne et tunisienne un dénominateur commun insoupçonnable.
En promenant une loupe au bas de ces deux timbres qu’apparemment rien ne rapproche hormis leur caducité, l’on se rend compte qu’ils ont été exécutés par le même dessinateur, en l’occurrence l’artiste tunisien Chokri Cherif.

En 2001, il a en effet été l’heureux lauréat du concours du timbre-annonce du XXIIIe Congrès d’Abidjan 2004, lancé sur le thème : « l’hospitalité africaine ».

Sa maquette a été choisie parmi cent quatorze maquettes émanant de douze pays africains. Artiste de talent, Chokri Cherif a remporté la même année le concours du meilleur logo des XXIes Jeux méditerranéens qui, heureusement pour lui, ont bel et bien eu lieu. Plus près de nous, ce bloc-feuillet portugais a été émis le 5 janvier 2008 (FIG. 6) pour célébrer le trentième anniversaire du rallye-raid Paris-Dakar qui devait prendre le même jour le départ de Lisbonne. Cette course a été annulée au dernier moment (le 4 janvier) à causes de menaces terroristes émanant de la Branche D’Al– Qaïda au Maghreb islamique (BAQMI, ex-groupe salafiste pour la prédication et le combat GSPC) contre la caravane lors de son passage en Mauritanie, où quatre touristes français ont été tués fin décembre.

Le bloc-feuillet qui représente les véhicules de pilotes portugais prenant part à ce rallye a été tiré à 60 000 exemplaires pour une valeur de 2,75 €le blocfeuillet. Chaque fois que je découvre un timbre qui s’est fait planter par l’événement qu’il était censé commémorer, me revient cette anecdote édifiante lue dans un ancien numéro de L’Écho de la Timbrologie, que voici : « Lorsqu’on proposa, en 1965, au général de Gaulle d’émettre un timbre commémorant la mise en chantier du futur sousmarin à propulsion nucléaire Le Redoutable, celui-ci demanda à son chef d’étatmajor, l’amiral Philippon, s’il y avait déjà eu un précédent. L’amiral téléphona à l’état-major de la Marine qui se tourna vers son service de relations publiques qui répercuta à son tour la question à un marin mais néanmoins… philatéliste.

Or, notre ami savait qu’il y avait eu un précédent et de taille. De la taille précisément du cuirassé Clémenceau à la gloire duquel la Poste française émit un timbre le 18 avril 1939 alors que ce navire ne devait jamais voir le jour (FIG. 7).

Cette anecdote fut transmise, par les soins de l’amiral Philippon, au général de Gaulle qui eut alors le mot de la fin : ”Eh bien Philippon !, nous attendrons qu’il navigue”. »
Le Redoutable n’aura son timbre que le 25 octobre 1969, une fois sa construction achevée (FIG. 8).

L’écho de la Timbrologie n° 1817 d'Avril 2008 (Page 68 & 69)

Du : 01-04-2008
Auteur : Mohamed Achour Ali Ahmed
Source : L'Echo de la Timbrologie

A voir aussi