Le 15 janvier 1873 est émise la première carte postale française

Le 15 janvier 1873 est émise la première carte postale française


« Par un triste privilège, il ne reste plus que deux pays en Europe où l’on ne voit pas circuler de carte postale : ce sont la Turquie et la France. Tous les autres l’ont adoptée ».
Ainsi s’exprimait Louis François Wolowski (1810-1876) le 19 décembre 1872, en défendant pour la seconde fois son amendement auprès du parlement français. Dès le lendemain, la carte postale est autorisée dans le service postal français par l’article 22 de la loi de finances du 20 décembre 1872.


Les ports (image 1)
Cette loi, applicable au 15 janvier 1873, fixe le port de la carte postale locale de Paris pour Paris, à 10c et «dans l’étendue dont les fortifications marquent la limite».
En France et en Algérie, la relation de Bureau à Bureau (voir Image 1) est à 15 c, avec pénalité au triple de l’insuffisance si la carte est insuffisamment affranchie. De plus, il est prévu des taxes de 25 c (locale) et 40 c (territoriale) pour les cartes non affranchies.
Les cartes vendues par l’administration le sont revêtues de timbre à 10 c ou 15 c , les autres, si elles sont expédiées à découvert, sont considérées comme lettres.
Les tarifs demeureront en vigueur jusqu’au 1er mai 1878 (Catalogue des cartes postales précurseur de France et des colonies, Editions Bertrand Sinais, 2006).

Le premier jour (image 2)
Le mercredi 15 janvier 1873 l’Imprimerie Nationale fait paraître les premières cartes postales pouvant être affranchies. On connaît une oblitération du 14 janvier 1873, à rapprocher du One penny black britannique oblitéré le 2 mai 1840, quatre jours avant l’autorisation officielle ; ce qui serait de nos jours qualifié de «délit d’initié».
La carte ici présentée n’est que du 16 janvier, second jour d’émission, bien affranchie à 15 c et, ce qui ne gâte rien, avec un timbre oblitéré AS.NA., du bureau de l’Assemblée nationale (voir Image 2). L’expéditeur se déclare heureux « à une époque où on a le bonheur d’avoir la poste à bon marché ».

Taxe à 15 c (image 3)
Rien n’interdit à l’expéditeur d’utiliser, pour les relations de bureau à bureau, des cartes plus particulièrement destinées aux relations locales et portant la mention « Destinée à circuler à découvert en France et en Algérie, dans l’intérieur d’une même ville ou dans la circonscription du même Bureau ».
Dans ce cas il doit les affranchir à 15 c, c’est-à-dire en ajoutant un timbre à 5 c. Faute de quoi un affranchissement insuffisant entraîne une taxe de 15 c, au total 25 c pour la poste, qui est indiquée de façon manuscrite ou au tampon double trait. Comme sur cet envoi (voir Image 3) de Paris la Villette du 26 octobre 1874, adressée à Savigné-l’Evêque dans la Sarthe et complété de la mention encadrée « Affranchissement insuffisant ».

Taxe à 25 c (image 4)
La quasi-totalité des cartes précurseurs sont correctement affranchies. Aussi peut-on s’étonner d’une carte postale taxée à 25 c. Celle-ci est expédiée le 16 juin 1873, apparemment correctement affranchie à 15 c, d’Annecy pour Grenoble (voir Image 4).
Le texte va nous éclairer : « Je désirerais acheter ½ cent pelotons de la ficelle pareille à l’échantillon ci-contre...». Nous ne sommes plus en présence d’une carte postale ordinaire mais d’une infraction envisagée par l’article 10 de la loi de finances du 20 décembre 1872 qui prévoit que le fait d’attacher un échantillon à une carte postale la rend comparable à une lettre et alors passible de la taxe correspondante.

Les trous d’épingles ayant maintenu l’échantillon confortent seulement le texte. Au tarif du 1er septembre 1871 au 1er mai 1878 une lettre jusqu’à 10 g s’affranchit à 25 c. Si elle l’est insuffisamment la taxe est de 40 c, diminués de la valeur des timbres déjà en place. Dans le cas présent : 40 c moins 15 c font bien 25 c, comme cela est indiqué sur la carte : 0,25 avec toujours la mention « Affranchissement insuffisant ».

Taxe à 40 c (image 5)
Cette carte de Gabarret (Landes) est postée à Sos (Lot et Garonne) et confiée à la boîte mobile du courrier d’entreprise (voir Image 5) qui se dirige vers Agen, d’où la frappe au bureau d’Agen de la marque « B.M » dans un ovale.
Ce parcours, entre deux arrondissements d’un même département, est territorial et justifie la taxe manuscrite de 4 décimes.

Recommandé (image 6)
Les cartes recommandées sont souvent porteuses de « mises en demeure à payer » (voir Image 6) ou autres gracieusetés du même genre. On comprendra que la plupart aient été refusées par leur destinataire et, portant alors la mention « Retour à l’envoyeur », aient été conservées pour des raisons juridiques.
Celle-ci du 12 août 1876 est correctement affranchie à 40 c comme le prévoit le tarif en vigueur de février 1873 au 1er mai 1878.

Pour l’étranger (image 7)
A partir du 26 octobre 1875 l’industrie privée est autorisée à fabriquer et vendre des cartes postales de 80 mm sur 120 mm et d’un poids compris entre 2 et 5 grammes.
Il s’agit là d’une carte postale privée (Image 7) imprimée en lithographie par J. Royer à Nancy (PRI. R24) expédiée le 25 juillet 1876 à un correspondant demeurant en Bavière, à Fribourg en Brisgau.

L’arrêté du 2 octobre 1875, applicable au 26 octobre 1875, prévoit pour ce genre de cartes comme pour les officielles 12 cm de largeur, 8 cm de hauteur et un poids compris entre 2 et 5 grammes.

La couleur est libre, l’encadrement n’est pas obligatoire mais le recto doit reproduire les indications de la carte officielle. Il est précisé dans l’encart qu’elle doit être vendue munie de son affranchissement « Prix pour la France et l’Algérie 10 centimes pour la même ville ou la circonscription du même bureau. 15 centimes de Bureau à Bureau. Prix pour les pays étrangers avec lesquels l’échange des cartes est autorisé : 15 ou 20 centimes suivant la destination ».
Cette carte a été vendue avec un timbre de 15 c et c’est l’expéditeur qui, croyant bien faire et peut-être que la Bavière se trouvait de l’autre côté de l’Atlantique, a rajouté 5 c, alors qu’en juillet 1876 s’applique le tarif à 15 c « Tous pays sauf Etats-Unis ».

Ces cartes privées ne seront plus admises dans les échanges avec l’étranger en mars 1879, mais l’arrêté sera annulé à Lisbonne, lors du congrès de l’U.P.U. de mars 1885.
La collection est d’abord faite de curiosité puis d’achats qui, après de sublimes imprudences, laissent l’amateur toujours tiède de sa dernière acquisition.
Enfin le plaisir, pour être complet, se transforme en travail et aboutit souvent à un juste contentement. Alors, après quelques années d’une quête incessante et d’une satisfaction jamais comblée, arrive le déchirement de la vente. Mais ce travail de Sisyphe n’est-il pas tout simplement à l’image de la vie ?

Du : 01-09-2013
Auteur : H. de La Mettrie
Source : Timbres Magazine (timbresmag.com)