La difficile naissance de la première émission



La difficile naissance de la première émission

Pour de nombreux philatélistes, la très populaire collection des timbres d’Algérie commence en 1924 même s’ils savent que ce sont des timbres de métropole qui ont été utilisés auparavant.
Pourquoi cette exception ?
Pourquoi l’Algérie n’a-t-elle pas suivi le même cursus que les autres colonies ?
La réponse, c’est ce feuilleton politico-postal de vingt longues années que nous vous racontons ici, une histoire totalement inédite.

C’est en 1902, l’année même où le Sahara algérien est définitivement conquis et divisé en quatre territoires (Aïn Sefia, Ghardaya, Touggourt et les Oasis), que l’Algérie exprime le désir d’avoir ses propres timbres (postaux comme fiscaux). Une requête somme toute bien naturelle qui repose sur le fait que les autres colonies, protectorats et autres bureaux français à l’étranger possèdent leurs propres timbres et que la vente des figurines contribue significativement au budget. En effet, le produit de la vente de timbres réalisée par les bureaux algériens revient directement à la métropole.

Ce vœu a été exprimé pour la première fois par l’Assemblée des délégations financières le 15 mars 1902, un organisme mis en place en 1898 se composant de 24 délégués colons, 24 délégués non colons et 21 délégués indigènes musulmans.

Evoquée une première fois au Parlement à Paris en 1904, cette demande est formalisée et fait l’objet d’un courrier très officiel adressé à l’autorité hiérarchique, c’est-à-dire au ministère de l’Intérieur auquel l’Algérie est rattachée depuis 1870. Ce dernier fait suivre le courrier au ministre des Finances, P. Merlou, lequel, à défaut d’être totalement favorable, ne s’oppose pas au projet.

Finalement la lettre atterrit au soussecrétariat d’Etat des Postes et Télégraphes afin d’obtenir son avis et surtout « voir s’il n’y a pas d’inconvénients, en ce qui concerne son service, à la mise en pratique prochaine de cette mesure... ».

Des deux services interrogés, la Comptabilité et l’Exploitation postale, c’est le directeur de cette dernière, M. Herman, qui répond : « ...M. Merlou ne croit pas devoir s’opposer à la réalisation du vœu émis par les Assemblées algériennes, étant donné que les autres colonies françaises possèdent déjà des timbres spéciaux.

Cette considération ne me semble pas concluante. La création de timbres-poste coloniaux, complétée en 1891, par la différenciation des figurines utilisables dans chaque colonie, a été, en effet, inspirée bien moins par le souci de garantir aux budgets locaux de nos établissements d’Outre-mer, l’intégralité des produits de l’affranchissement des correspondances, que par la nécessité de mettre fin à l’agiotage auquel se livraient des spéculateurs, en important des timbres-poste, d’une colonie dans l’autre, pour bénéficier de la différence des monnaies et des variations des cours de change.

Pareille situation ne se présente pas dans les relations franco-algériennes, et le public qui a peine à comprendre que nos possessions coloniales ne forment pas avec la France un seul territoire dans toute l’étendue duquel le mode d’affranchissement des correspondances serait uniforme, s’expliquerait encore moins une mesure dont l’application, en le privant d’une facilité à laquelle une longue pratique l’a habitué, heurterait la conception qu’il s’est faite, des rapports existant entre la France et l’Algérie.

Ce n’est pas au moment où les Administrations postales se préoccupent de fournir au public, le moyen d’affranchir à l’avance, dans les relations internationales, la réponse à une communication sous pli fermé, qu’il convient de supprimer, sans de sérieuses raisons, ce moyen entre deux portions de la France. L’Algérie va se priver de l’avantage dont elle jouit de pouvoir opérer en timbres-poste, le règlement de menues sommes et l’expérience ne tardera pas à démontrer les inconvénients de cette dualité de figurines, qui sera une barrière gênante pour le public algérien et métropolitain.

J’estime, pour ma part, que malgré le côté séduisant du projet pour son amour-propre, l’Algérie a plus à perdre qu’à gagner à la création du timbre-poste algérien. Une nouvelle tentative pourrait, dès lors, être faite auprès de M. Jonnart [NDLR : le gouverneur général de l’Algérie] ; elle montrerait tout au moins que l’Administration métropolitaine n’a pas encouragé la poursuite de cette idée dont la portée paraît avoir échappé aussi bien aux assemblées algériennes qu’au Département des Finances. »

Le ton de cette réponse peut surprendre mais il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une note interne. Quant à l’argumentation, elle s’explique tout simplement parce que l’Algérie n’est pas une « colonie » comme les autres.

L’exception algérienne
Contrairement aux autres territoires occupés par les Français, l’Algérie est devenue, presque à l’origine, une colonie de peuplement. Il fallait en effet consolider sa conquête et le moyen utilisé était donc d’y envoyer des colons. En 1900 par exemple, soit un peu moins de 70 ans après le débarquement des troupes françaises en Algérie, quelque 600 000 Européens y vivent, dont 364 000 Français. Et ces derniers seront presque 630 000 vingt ans plus tard !

Son statut est également différent des autres territoires : elle dépend du ministère de l’Intérieur, elle a été départementalisée à partir de 1881 et, de fait, se trouve complètement rattachée à la France. A la fin du XIXe siècle, on la voit mentionnée sous les noms de « France nouvelle » ou « France africaine », quand ce n’est pas plus simplement de « France algérienne ». Dès lors, toute l’infrastructure postale et administrative installée en Algérie fonctionne comme en France et c’est pour cela qu’elle bénéficiera des timbres de
métropole dès l’origine en 1849.

Toute politique qu’elle soit, la réponse de M. Herman s’inscrit donc dans cette logique : pourquoi mettre en œuvre des timbres différents dans un territoire qui « fait partie de la France » comme le précisent les livres de géographie du début du XXe siècle.

Il n’empêche que cette demande de timbre semble embarrasser l’administration des Postes : en mars 1906, le ministre de l’Intérieur est obligé de relancer son collègue sous-secrétaire d’Etat, M. A. Bérard pour obtenir « le résultat des études entreprises au sujet de la création éventuelle de timbres spéciaux en Algérie. »

Le contenu de la réponse reprend toute l’argumentation du directeur de l’Exploitation postale mais le propos est plus nuancé ; quant à la conclusion, elle est particulièrement « politique » : on se rangera à la décision du président du Conseil et ce timbre spécial n’est vraiment pas une bonne idée ! « ... Il y aurait d’ailleurs intérêt à ce que les considérations qui précèdent fussent portées à la connaissance de M. le Gouverneur Général de l’Algérie afin qu’il puisse en faire part aux Assemblées algériennes. Si celles-ci persistaient dans leurs desiderata, il me paraîtrait désirable d’accorder sur ce point avec le Département des Finances, que le projet de création d’un timbre spécial à l’Algérie fût soumis à l’assentiment de M. le Président du Conseil.

On ne saurait méconnaître, en effet que la mesure intéresse la politique générale en ce sens qu’aussi bien pour les timbres-poste que pour les timbres quittances, de dimension, etc., elle aurait pour effet de marquer davantage la séparation de la France et de l’Algérie. Pour ces motifs et la question de principe restant à trancher, il m’a paru, jusqu’ici, prématuré d’étudier, les conditions dans lesquelles l’Algérie pourrait être dotée d’un timbre-poste spécial. »

Il est plus que probable que Charles Jonnart, qui effectue là son deuxième mandat de gouverneur général, est un farouche partisan du timbre algérien car il réitère sa demande en 1907 ; il l’adresse directement au sous-secrétariat d’Etat aux Postes et Télégraphes, dont le locataire vient justement de changer.

M. Simyan, c’est son nom, réexpédie la lettre du gouverneur au ministre de l’Intérieur et ajoute : « ...Je n’ai rien à ajouter aux considérations développées dans la communication n° 1008 E.R. du 21 mars 1906 que mon prédécesseur a adressée à votre département et dont copie est annexée. Au surplus, je partage l’avis défavorable émis dans cette lettre à l’encontre de la mesure proposée et j’estime qu’en tous cas, il n’appartient pas à mon Administration de trancher la question de l’attribution d’un timbre spécial à l’Algérie. »

Un vrai faux veto Mais Charles Jonnart ne désarme pas et récidive encore en mars 1908. Avant de lui répondre, on demande à encore l’Exploitation postale si elle a modifié son appréciation première. Pas sur le fond, répondra-t-elle, mais il ne lui appartient pas de décider sur le principe de l’attribution d’un type de timbre spécial pour l’Algérie. Et M. Simyan se fendra d’un nouveau et long courrier pour le gouverneur général dans lequel il reprend tous les arguments déjà développés en défaveur de ce projet.

Pugnace, Charles Jonnart réécrit encore à la Poste en cette même année 1908 et propose cette fois-ci une nouvelle idée : « ...A défaut de timbres spéciaux qui ont paru présenter à
l’Autorité supérieure divers inconvénients, il a semblé à cette Assemblée qu’il serait possible d’autoriser le service algérien à différencier les timbres poste émis dans la Colonie par l’apposition d’une griffe portant l’empreinte «Algérie» ».

Et encore une fois, le directeur de l’Exploitation postale ne mâche pas ses mots : « ...Aux considérations que je faisais valoir dans ma note n° 7883 du 17 octobre 1907, il me paraît utile d’ajouter que la demande de l’Algérie ne pourrait avoir quelque fondement que si les départements algériens avaient une monnaie métallique divisionnaire distincte de la Métropole. Tel était le cas pour les colonies françaises et aussi pour la Tunisie au moment où elles ont adopté des timbres différents de ceux de la Métropole.

La situation est bien différente pour l’Algérie et il n’y a plus lieu de faire les surcharges demandées sur les timbres-poste de l’Algérie que sur la monnaie métallique circulant dans nos départements du Nord de l’Afrique. »

Cette fin de non recevoir fait mouche et l’on n’entend plus parler du timbre algérien jusqu’en 1911. Cette année-là, Charles Jonnart doit laisser son fauteuil de gouverneur à Charles Lutaud mais juste avant son départ le 22 mai, il trouve le temps de relancer le ministre de l’Intérieur qui est également président du Conseil, Edgar Monis, successeur d’Aristide Briand depuis le 2 mars.

Le 26 mai, Edgar Monis fait adresser une note très circonstanciée à la Poste dans laquelle sont abordés plus particulièrement les aspects financiers liés à la création du timbre algérien. Une étude, conduite par les services du gouverneur général de l’Algérie, montre qu’entre l’envoi de timbres dans les lettres originaires de France notamment adressées
aux militaires, et ceux des sociétés financières ayant leur siège social en France pour approvisionner leurs succursales en Algérie, l’ensemble représente une perte d’au moins 75 000 francs (environ 235 700 € aujourd’hui) pour le budget de l’Algérie. Et cela est d’autant plus grave que cet état de fait est contraire à l’esprit de la loi du 19 décembre 1900 par laquelle l’Algérie est censée percevoir l’intégralité des recettes qui lui reviennent légitimement.

Le ministre ajoute encore que les différentes objections qui ont été émises jusqu’à présent peuvent trouver des solutions : la vente de figurines françaises conjointement avec des timbres algériens, entre autres. Et pour la première fois un ministre de l’Intérieur s’exprime en faveur du projet : « ... Dans ces conditions, je crois devoir insister tout particulièrement auprès de vous en faveur du vœu formulé par les Assemblées algériennes, et je vous serai obligé de vouloir bien me faire connaître, aussitôt que possible, votre sentiment à ce sujet. »

Après consultation des différents services et autres directions intéressées, le sous-secrétaire d’Etat répond par une très longue lettre au président du Conseil dans laquelle il rappelle encore qu’il n’appartient pas à son « Administration de trancher la question de principe de l’attribution d’un timbre spécial à l’Algérie. » Mais il ajoute également : « Si vous admettez définitivement, Monsieur le Président, qu’il doit être donné satisfaction au vœu des Délégations financières, je vous serais très obligé de me le faire connaître et je m’empresserais de mettre les services de mon Administration à la disposition du Gouvernement Général de l’Algérie pour participer, dans la limite de leur compétence, à la préparation de la mise à exécution de la réforme. » Et de conclure avec une batterie de détails techniques auxquelles le gouvernement général devra répondre afin d’établir le
budget de la fabrication : timbres monochromes ou bicolores, dimensions identiques à celles des timbres de métropole ou différentes, type unique ou plusieurs timbres différents, etc.

En dépit des apparences, l’affaire n’aboutira pas. Il faut dire que le gouvernement français a d’autres préoccupations qui se situent au Maroc avec l’envoi d’un corps expéditionnaire dans le but d’établir un protectorat. Il y a également la guerre dans les Balkans, le renforcement de l’armée allemande, etc.... Et l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914.

La participation de l’Algérie à la guerre de 1914-18 se matérialisera par la mobilisation de 173 000 hommes. Charles Jonnart retrouve son fauteuil de gouverneur pour la troisième fois le 29 janvier 1918, mais il ne demande plus de timbres même s’il occupe sa fonction jusqu’en août 1919. L’affaire est-elle enterrée à jamais ? Non, et aussi bizarre qu’il en puisse être, ce sont nos voisins et amis helvétiques qui vont remettre le timbre algérien sous les feux de l’actualité.

Le défi suisse à l’UPU
Retrouvons-nous donc à Madrid en Espagne par cette belle journée du 4 octobre 1920, dans la salle de réunion où s’entassent les délégués des différents pays membres de l’UPU
dont c’est le congrès. Le délégué suisse prend la parole et exprime son mécontentement devant le mode d’attribution des voix. En effet, un des articles de la Convention principale de l’organisation internationale prévoit d’accorder une voix à chaque pays. Mais au fur et à mesure des congrès, certains Etats ont obtenu des voix supplémentaires pour leurs colonies. Cela a commencé en 1885 avec la Grande-Bretagne qui obtient une voix supplémentaire pour ses colonies d’Australasie, puis deux autres pour l’Inde et le Canada au
Congrès de Washington de 1891.

Bénéficiaires également cette même année : la France, les Pays-Bas, l’Espagne et le Portugal pour leurs colonies respectives. Même chose en 1897 à Vienne où la France obtient une voix supplémentaire, etc., et d’énumérer la liste de pays bénéficiaires dans laquelle ne figure évidemment pas la Suisse puisqu’elle n’est pas une puissance coloniale ! Suivi par le délégué de l’Argentine, le délégué suisse demande le retour à la « situation de Washington », ce qui implique la suppression de nombreuses voix « supplémentaires », dont celle de l’Algérie obtenue au Congrès de Rome en 1906.

Soumise au vote, la proposition de la Suisse est rejetée par 17 voix contre 13. La France possède (ou maîtrise) six voix : la sienne plus une pour les colonies, une pour la Sarre, une pour le Maroc, une pour la Tunisie et une pour l’Algérie.
Ouf ! Mais le boulet est passé tout près !

En 1922, lors du congrès de l’Union postale panaméricaine à Buenos-Aires, la question a été remise sur le tapis. Cette initiative suisse inquiète sérieusement l’Administration française qui apprend qu’elle sera débattue au prochain congrès de Stockholm en 1924.

Aussi, lorsque le gouverneur général de l’Algérie vient saisir une énième fois le sous-secrétaire d’Etat aux Postes et Télégraphes pour lui faire part du vœu, inchangé depuis 1902, d’avoir des timbres, celui-ci lui tient un tout autre discours. S’adressant en mars 1923 au ministre de l’Intérieur, il écrit « ...mon Administration est d’avis que l’émission de timbres spéciaux à l’Algérie aurait l’avantage de mieux faire apparaître aux yeux de l’étranger, l’autonomie de l’Office postal algérien et d’éliminer un argument qui pourrait être invoqué à Stockholm, en 1924, pour demander la suppression du droit de vote dont l’Algérie a usé pour la première fois au dernier Congrès de Madrid en 1920. » Il précise même que le temps
presse et qu’il conviendrait de réaliser cela avant le congrès, c’est-à-dire avant juin-juillet 1924.

Désormais, tout va aller très vite. Le gouverneur Théodore Steeg s’empresse d’écrire un petit courrier manuscrit au directeur de l’Exploitation postale : « J’ai tenu à vous dire que cette décision que j’avais communiquée aux Délégations en session à ce moment, avait produit un excellent effet et je tiens surtout à marquer que c’est grâce à votre intervention sûrement que cette affaire qui date de 1902 a reçu une solution. » Les termes qu’il emploie laissent à penser qu’il est ignorant des véritables raisons qui ont poussé la Poste à lever le veto qu’elle imposait depuis 20 ans. C’est tellement vrai que le directeur, honnête, lui dévoilera toute la vérité quelques jours après.

Pas de sous, pas de timbres Mais le 7 juillet 1923, le ministre de l’Intérieur demande de surseoir au projet. En effet, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de crédit pour réaliser une telle opération. D’autant qu’il a été également prévu d’organiser un concours de maquettes. Le budget algérien a été déjà voté pour 1924 et on ne pourra donc demander des crédits qu’en mai-juin 1924 pour le budget de 1925.
Le gouverneur général suggère donc la réalisation, moins coûteuse, de surcharges sur des timbres métropolitains et la Poste accepte, bien évidemment.

Le 8 septembre, le ministre de l’Intérieur constate :
« Rien ne s’oppose donc plus à l’heure actuelle à ce que la réforme projetée soit réalisée.
Je vous serais, en conséquence, très obligé, de vouloir bien me transmettre, de toute urgence, le projet d’arrêté dont il s’agit afin que je puisse le revêtir de ma signature. »

L’arrêté en question, signé le 11 décembre 1923 par Maurice Maunoury, ministre de l’Intérieur et Paul Laffont, sous-secrétaire d’Etat des Postes et des Télégraphes, autorise la surcharge de timbres destinés à l’usage spécial des bureaux de poste algériens, et indique qu’ils seront seuls valables dans le service algérien.

C’est vers la fin janvier 1924-début février que le gouverneur Steeg reçoit les spécimens de surcharges pour « bon à tirer » qu’il renvoie immédiatement à Paris pour l’impression. Il indique également que l’usage de ces timbres devrait être évalué à un an, temps nécessaire pour organiser le fameux concours et préparer les futurs timbres spéciaux. Il joint également à son courrier un « relevé du nombre de figurines nécessaires pour une année au Service algérien des P.T.T. » (voir page 39). Les chiffres donnés ont sans aucun doute permis d’établir les chiffres de tirage que nous ne connaissons pas et doivent être très proches de la réalité.

Selon un document publié par M. André Perrin dans le n° 70 de Documents Philatéliques (la revue de l’Académie de Philatélie), les timbres seraient arrivés à Alger le 4 mai et mis en vente le 12 mai 1924. Comme il n’y a pas encore d’agence comptable en Algérie – c’est en effet celle de métropole qui, jusque-là assurait la répartition mensuelle – c’est le directeur régional de la Poste à Alger qui prend à charge les timbres et les répercute sur les deux autres recettes départementales, Oran et Constantine.

La création d’une telle agence est nécessaire pour le stockage et obligatoire sur le plan comptable au regard de la Cour des comptes qui contrôle les sorties de figurines, lesquelles, ne l’oublions pas, sont des valeurs fiduciaires. Elle sera demandée par le gouverneur le 5 novembre 1924 et fera l’objet d’un décret présidentiel pour qu’elle entre en activité à partir
du 1er janvier 1925.

Ceci étant, les timbres algériens ont pu être émis avant la date butoir représentée par le congrès UPU de Stockholm (4 juillet-24 août 1924), cela était essentiel pour que l’Algérie puisse conserver son droit de vote !

Réalisée dans l’urgence pour ne pas dire la précipitation, cette émission se substituera aux timbres métropolitains encore disponibles en Algérie. Ces derniers perdront pouvoir d’affranchissement le 30 juin 1924. Cela signifie qu’il y a eu également cohabitation entre les deux émissions donc la possibilité d’affranchissements mixtes sur les plis ; mais assez curieusement, ce cas de figure assez exceptionnel ne semble pas avoir été exploité par les collectionneurs.

Charles Jonnart, s’il n’est plus gouverneur de l’Algérie, aura quand même le plaisir de voir son vœu se réaliser avant de disparaître en 1927 : le concours de maquettes eut bien lieu en 1925 et un jury put en retenir quatre destinées à identifier différents groupes de valeurs faciales.
La rue de la Kasbah pour les valeurs de 1 à 10 centimes ;
La mosquée Sidi Abderahman pour les 15 à 40 centimes ;
La grande mosquée pour les 45 à 80 centimes ;
La mosquée des Pêcheurs pour les grands formats à partir de 1 franc.
Vingt-quatre valeurs (dont une surchargée à ½ c) sont émises de mai à
novembre 1926 et cohabitent ou remplacent les timbres précédents surchargés « ALGERIE ». Cette fois-ci, l’Algérie a vraiment ses propres timbres ; on ignore si elle en a remercié la Suisse...

Du : 01-04-2003
Auteur : Michel Melot
Source : Timbres Magazine (timbresmag.com)