Témoignages sur l’incendie de la bibliothèque de l'université - La part de la philatélie
Le 7 juin 1962, l'OAS, une organisation criminelle des colons opposés à l'indépendance de l'Algérie, met le feu au bâtiment de la bibliothèque de l’université d’Alger, détruisant plus de 500 000 livres, un trésor inestimable et varié de science, de littérature et de culture.
Cet acte criminel a dépassé toutes les horreurs, à dessein de priver la jeune nation de disposer d’un savoir qu’elle aspirait à créer. L’effet produit a été l’opposé de ce qu’espérait cette organisation criminelle.
L'incendie est devenu un autre symbole de la justesse de la lutte de Libération nationale. Il a créé un élan de solidarité avec la jeune nation algérienne, si bien que plusieurs pays ont émis une variété de timbres-poste commémoratifs pour venir en aide au fonds de solidarité algérien de l’époque.
Aujourd’hui, et à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de la signature des accords d’Évian, le 19 mars 1962, ouvrant la voie à l’autodétermination pour l’indépendance de l’Algérie, la date est intéressante pour aborder cet évènement sous l’angle d’une passion, la passion de la philatélie.
Depuis les origines, l'Homme a toujours éprouvé le besoin d’échanger avec ses semblables, car ces échanges participent à la création du lien social entre les individus. Ils peuvent être d’origine économique comme le troc ou la monnaie, ou non comme l’exogamie.
Un autre moyen d’échange est la philatélie ou la collection de timbres-poste émis par l’État, retraçant, à l’aide de dessins sur des «bouts de papier», des évènements majeurs passés ou à venir.
Le développement de cette passion est lié au timbre-poste et à son support, la poste. Celle-ci ne s’est révélée qu’à partir du XVIe siècle, où il a fallu attendre cette période pour voir naître la première poste en France. Le public d’alors, en vérité l'élite, a été invité à utiliser les nouveaux moyens postaux mis à sa disposition. Un nouveau loisir allait naître, la philatélie. Plus tard, le timbre-poste a été démocratisé et réalisé avec des formes de plus en plus originales et des contenus révélateurs.
Aujourd'hui, même avec l’avènement d’internet, la collection de timbres-poste demeure une passion partagée par beaucoup. Ces petits «bouts de papier» sont rangés soigneusement dans des albums, exposés, échangés ou revendus, mais ont la capacité de répercuter des évènements majeurs sur les générations à venir.
En Algérie, en 1965, la commémoration des 3es évènements douloureux marquant la destruction de la bibliothèque de l’université d’Alger ont inspiré plusieurs pays à éditer des timbres-poste forts significatifs qui témoignent de l’ancrage de la guerre de libération dans l’histoire de la décolonisation mondiale. Ainsi, au côté de l’Algérie, des pays comme l'Égypte, l'Irak, la Jordanie ont émis d’excellents timbres-poste à travers divers symboles : un livre incendié, une bibliothèque brûlée, moyens servant à éteindre l’incendie... Il y a aussi la Libye, l’Arabie Saoudite, l’Irak, la Syrie, le Yémen qui ont fait de même. Ces timbres-poste sont répertoriés dans un catalogue, le Scott Catalogue, aux États-Unis. Il s’agit d’un «catalogue de timbres et de cotations édité par la société Scott Publishing (filiale d'Amos Press)». Ce catalogue référencie l'ensemble des timbres-poste émis dans le monde. Il peut être consulté à la bibliothèque américaine, comme signalé par George M. Eberhart (https://www.jstor.org/stable/25626019) dans la première édition du Whole Library Handbook.
Ces timbres ont été émis pour la première fois le 7 juin 1965, portant l’intitulé «Le premier jour». Conservés à la bibliothèque aux États-Unis, ces timbres retracent, par des témoignages iconographiques, le crime abominable commis par des ultras européens opposés à l’indépendance de l’Algérie. Si le timbre-poste est dans l’imaginaire de beaucoup un symbole de voyage et d’évasion, qui égaye les pages, les enveloppes et les albums, pour nous, il est aussi un support essentiel servant à perpétuer des souvenirs douloureux pour que la génération future n’oublie pas.
Par le Pr Baddari Kamel
Professeur des universités. Université Mohamed-Boudiaf de M’sila.
Du : 24-03-2022
Source : Le soir d'Algérie (lesoirdalgerie.com)